Publié par Jean-Patrick Grumberg le 10 septembre 2023

Quel genre de personne considère les Juifs comme “les principaux ennemis de la civilisation occidentale” ? Quel genre d’individu diffuse des caricatures de Juifs au nez crochu ? Qui prétend que les juifs Allemands ont introduit des “perversions sexuelles de toutes sortes, le sadisme, le masochisme et l’homosexualité” en Allemagne ? Des bas du front ? Des néo-nazis ? Non. Un ancien juge français à la Cour européenne des droits de l’homme, Boštjan Zupančič.

Zupančič est diplômé de Harvard, il a donné des conférences dans des collèges du monde entier, il a publié de nombreux ouvrages dans plusieurs langues, et écrit des poèmes. Et il n’est pas seulement érudit, il est lui-même éducateur, juriste honoré, et défenseur des droits de l’homme.

Comme le montre l’exemple de Zupančič, l’éducation ne met pas à l’abri de la haine des Juifs, contrairement à ce que les élites ont intérêt à faire croire pour protéger leur caste, leur ego et leur sentiment qu’ils se situent au-dessus de la mêlée. Ce juge est à peu près aussi érudit que l’on puisse l’être au 21e siècle. Comment quelqu’un connu pour de telles réalisations intellectuelles pourrait-il haïr ouvertement les Juifs ?

Il n’est pas le seul…

De grands artistes et des intellectuels érudits ont été parmi les plus virulents diffamateurs du peuple juif ou de l’Etat juif. Céline, Martin Luther, T.S. Eliot, Richard Wagner, Voltaire, Karl Marx, Edgar Degas, Stéphane Hessel, Florian Philippot, Edwy Plenel, Amnesty International – la liste pourrait être allongée indéfiniment.

Aux Etats-Unis, sur les campus universitaires, l’hostilité à l’égard des Juifs, pas toujours sous couvert d’antisionisme, est devenue pandémique. Le génocide nazi a été décidé par Adolf Hitler, mais il a été planifié et exécuté par des SS titulaires de doctorats.

Le sectarisme antisémite est-il lié à l’ignorance et au manque d’éducation ?

Le sociologue Frederick Weil a conclu en 1990, après avoir étudié la littérature académique, que “les personnes les mieux éduquées sont beaucoup moins antisémites que les personnes les moins éduquées”.

Les enquêtes menées par l’Anti-Defamation League – qui elle-même s’est illustrée par des diffamations antisémites, ont montré que l’éducation semble réduire l’intolérance en général et la diabolisation des Juifs en particulier.

Les études montrant un lien entre un faible niveau d’éducation et les croyances antisémites sont faussées

Comme l’ont expliqué Jay P. Greene, Albert Cheng et Ian Kingsbury, chercheurs à l’université de l’Arkansas, dans Education et antisémitisme, en 2021,

“pour la plupart, les études mesurent l’antisémitisme en demandant simplement aux personnes interrogées ce qu’elles pensent des Juifs ou si elles sont d’accord avec des stéréotypes ouvertement antisémites”.

Les personnes interrogées ayant un niveau d’éducation plus élevé sont suffisamment averties pour se rendre compte de ce qui leur est demandé, disent les trois chercheurs, et sont plus susceptibles de répondre d’une manière qui dissimule leur antisémitisme.

Pour examiner leur hypothèse, ils ont conçu un test entièrement différent, visant à déterminer si les personnes interrogées portaient un jugement plus sévère pour les juifs que pour les autres.

Ils ont rédigé deux équivalents d’une série de questions, l’une portant sur un exemple juif explicite, l’autre s’appliquant à un contexte non juif.

Par exemple,

  • l’une des questions demandait si “l’attachement d’une personne à un autre pays crée un conflit d’intérêts” lorsqu’elle fait du lobbying pour certaines positions de politique étrangère.

    Pour la moitié des répondants, Israël était le pays en question ; pour l’autre moitié, c’était le Mexique.
  • Une autre question demandait “si les rassemblements publics pendant la pandémie constituaient une menace pour la santé publique et auraient dû être évités”,

    Comme exemples, des funérailles juives orthodoxes pour la moitié des répondants, et les manifestations “Black Lives Matter” pour l’autre moitié.

Ce que Greene, Cheng et Kingsbury ont découvert renverse les idées reçues

“Les personnes les plus éduquées étaient plus susceptibles d’appliquer des jugements plus sévères aux exemples qui impliquent les juifs”, ont-ils rapporté.

“Contrairement aux affirmations précédentes, l’éducation n’offre de protection contre l’antisémitisme”.

En dissimulant soigneusement auprès des personnes interrogées que le but de l’étude était de mesurer leurs attitudes à l’égard des Juifs, ils ont démontré que les personnes les plus éduquées aux États-Unis ont tendance à avoir des niveaux d’antisémitisme plus élevés que les autres.

Les Noirs sont plus antisémites

Il y a plus de 30 ans, Henry Louis Gates Jr, professeur à Harvard et spécialiste renommé de la pensée afro-américaine, déplorait dans le New York Times que

“Non seulement les Noirs sont deux fois plus susceptibles que les Blancs d’avoir des opinions antisémites, mais – fait significatif – c’est parmi les Noirs les plus jeunes et les plus éduqués que l’antisémitisme est le plus prononcé”.

Ce sont eux, aujourd’hui, qui agressent physiquement les juifs orthodoxes dans les rues de New York, et la police, contrairement à la France, diffuse toujours les photos des suspects pour le prouver. C’est carrément une épidémie, depuis Black Live Matter et le définancement de la police.

Le meilleur vaccin contre l’antisémitisme ?

Il peut être réconfortant de s’accrocher à l’idée courante selon laquelle le meilleur vaccin contre le virus toxique de la haine des Juifs est davantage d’éducation, car cela permet d’effacer les vraies racines du mal, et d’apporter une solution prêt-à-porter.

Mais les faits contraires ont toujours été évidents pour quiconque est prêt à regarder.

  • L’un des principaux problèmes que pose le recours à l’éducation est qu’il est difficile de changer les croyances profondément ancrées des gens. Les stéréotypes et les préjugés antisémites sont souvent acquis à un jeune âge et peuvent être très résistants au changement. Même les personnes qui ont été informées sur leur propre antisémitisme et ont accepté que c’était mal peuvent encore avoir des opinions antisémites.
  • Un autre problème lié au recours à l’éducation est qu’il peut être difficile d’atteindre des personnes qui sont déjà antisémites. Les personnes ouvertes à l’apprentissage de l’antisémitisme sont plus susceptibles d’être réceptives aux interventions éducatives.
  • Les personnes qui sont déjà antisémites ne sont souvent pas intéressées par des informations sur le sujet.
  • En outre, l’éducation peut parfois se retourner contre le but visé. Si l’éducation n’est pas faite de manière sensible et nuancée, elle peut en fait renforcer les stéréotypes antisémites.

    Par exemple, lorsqu’un antisémite est exposé à l’éducation sur l’Holocauste, il sera dans le ressentiment et aura une impression de partialité si seules les souffrances des Juifs sont exposées. Cela peut lui donner l’impression que les Juifs se mettent trop en avant, qu’ils sont derrière les programmes d’études, voire même, à l’inverse, que leur extermination prouve qu’ils sont faibles et impuissants. (Il n’est pas rare d’entendre des antisémites nier l’existence de l’Holocauste et à d’autres moment affirmer qu’Hitler n’a pas fini le travail).

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Certes, certaines formes d’intolérance résultent de l’ignorance et peuvent être surmontées par l’éducation. Mais l’antisémitisme est plus que la simple haine de la minorité que nous représentons.

L’antisémitisme est un dérèglement moral

L’antisémitisme est un dérèglement moral et une forme de pensée conspirationniste qui peut séduire, quel que soit le degré d’éducation, l’homme politique comme Jeremy Corbyn ; le leader politique comme Desmond Tutu, ou ce juge des droits de l’homme, tout autant que l’analphabète qui a abandonné ses études avant le BEPC.

Contrairement à d’autres formes de racisme, la haine des Juifs est une maladie intellectuelle. Ceux qui en sont atteints suffoquent de jalousie pour ce qu’ils croient être en droit de recevoir de la société et qu’ils accusent les juifs de leur avoir dérobé, et attribuent aux Juifs tout ce qui, dans leur vision du monde, est spécifiquement haineux, dangereux ou perfide, de sorte que cette haine prend constamment de nouvelles formes et s’exprime par de nouvelles accusations.

La prévention de l’antisémitisme est virtuellement impossible : elle est transmise dans chaque famille jusqu’à ce que le hasard brise cette chaîne, cette reproduction de schéma.

En revanche, la guérison de l’antisémitisme est possible, mais elle ne passe pas par un apprentissage plus poussé des livres. Il s’agit de cultiver l’empathie, d’enseigner ce qu’est le bien, d’encourager le bon caractère qui est en chacun, et éduquer à enfouir la part de mal qu’on a en nous, ce qui est une tâche bien plus difficile.

Une leçon de l’histoire est que là où la société est agitée, les antisémites se font plus bruyants, plus audacieux et plus vocaux. Quand tout va mal, on accuse rapidement les juifs.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.

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