Publié par Jean-Patrick Grumberg le 18 septembre 2023

Le président Emmanuel Macron a déclaré vendredi dernier que l’ambassadeur de France au Niger vivait comme un otage dans l’ambassade française, et a accusé les dirigeants militaires de bloquer les livraisons de nourriture à la mission.

L’ambassadeur vit de “rations militaires”, a déclaré M. Macron aux journalistes dans la ville de Semur-en-Auxois, dans l’est du pays. “À l’heure où nous parlons, un ambassadeur et un personnel diplomatique sont littéralement retenus en otage à l’ambassade de France”, a-t-il déclaré. “Ils empêchent les livraisons de nourriture”, a-t-il ajouté, en parlant des nouveaux dirigeants militaires du Niger.

Cependant, il convient de remettre les choses en perspectives.

  1. Les chefs militaires du Niger ont déclaré à l’ambassadeur français Sylvain Itte qu’il devait quitter le pays après avoir renversé le président Mohamed Bazoum le 26 juillet.
  2. Mais l’ultimatum de 48 heures pour son départ, lancé en août, est resté sans effet, le gouvernement français ayant refusé d’obtempérer car il ne reconnaît pas la légitimité du régime militaire, donc des ordres qu’il donne. Le coup d’État a été condamné par la France et par la plupart des pays voisins du Niger.
  3. La position de Paris a été soutenue par l’UE qui a qualifié la demande du Niger de “provocation”.

M. Macron a déclaré que le diplomate “ne peut pas sortir, il est persona non grata et on lui refuse de la nourriture. Je ferai tout ce dont nous conviendrons avec le président Bazoum parce qu’il est l’autorité légitime et que je parle avec lui tous les jours”.

La France maintient environ 1 500 soldats au Niger et a déclaré au début du mois que tout redéploiement ne pourrait être négocié qu’avec Bazoum.

Les nouveaux dirigeants du pays ont rompu les accords de coopération militaire avec la France et demandé aux troupes de partir rapidement.

La France paye le prix de son hypocrisie

La région appauvrie du Sahel, au sud du Sahara, a subi ce que M. Macron a appelé une “épidémie” de coups d’État ces dernières années, avec des régimes militaires remplaçant des gouvernements élus au Mali, au Burkina Faso et en Guinée, ainsi qu’au Niger.

La déclaration du président est d’une hypocrisie dont seul sont capables des dirigeants fortement habités par un esprit colonial : cela fait des décennies que la France participe, encourage et facilite les coups d’Etats de politiciens qui lui sont favorables, et lorsqu’il ne s’agit pas d’un de ses poulains, elle se plaint ?

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Faut-il le rappeler ?

  • 1965 – Ghana (Kwame Nkrumah) :

La France a soutenu le renversement du Président Kwame Nkrumah, premier président du Ghana et figure éminente du mouvement panafricain. Le gouvernement de Nkrumah était considéré comme aligné sur des idéologies socialistes et anticoloniales, ce qui aurait pu entrer en conflit avec les intérêts français de l’époque.

  • 1966 – Togo (Sylvanus Olympio) :

La France a soutenu le renversement du Président Sylvanus Olympio. Les circonstances et les motivations de l’implication française dans ce coup d’État sont cependant complexes.

  • 1975 – Guinée (Ahmed Sekou Touré) :

La France a soutenu le renversement du Président Ahmed Sekou Touré, qui était une figure clé de la lutte pour l’indépendance de la Guinée. Le motif de l’implication française est lié à des intérêts politiques et économiques dans la région.

  • 1979 – République centrafricaine (Jean-Bédel Bokassa) :

La France a soutenu le renversement de l’empereur Jean-Bédel Bokassa, qui faisait l’objet de critiques internationales pour son régime autoritaire et les violations des droits de l’homme. L’implication de la France a été influencée par des préoccupations concernant la stabilité et les intérêts financiers et économiques français dans la région de l’Afrique centrale.

  • 1993 – Burundi (Melchior Ndadaye) :

La France a soutenu le renversement du Président Melchior Ndadaye. Les motifs de l’implication française dans ce coup d’État sont liés à des intérêts politiques et stratégiques dans la région des Grands Lacs.

  • 1994 – Rwanda (Agathe Habyarimana) :

La France a soutenu le renversement du Président Agathe Habyarimana pendant le génocide rwandais. L’implication de la France dans les affaires rwandaises à cette époque reste un sujet de débat et d’enquête important, avec divers facteurs géopolitiques et historiques en jeu.

  • 1999 – Côte d’Ivoire :

En 1999, un coup d’État a eu lieu en Côte d’Ivoire qui a vu le général Robert Guéï s’emparer du pouvoir. La France a été accusée d’avoir soutenu le coup d’État, bien que l’ampleur et la nature de son implication restent un sujet de débat.

  • 2003 – République centrafricaine (RCA) :

En 2003, les forces françaises sont intervenues en République centrafricaine lors de la guerre du Bush centrafricain. Cette intervention a joué un rôle dans la stabilisation de la situation, bien qu’il ne s’agisse pas d’un coup d’État orchestré par la France.

  • 2009 – Madagascar :

En 2009, il y a eu une crise politique à Madagascar qui a conduit à un changement de gouvernement. Certains rapports et analystes politiques ont suggéré que la France a joué un rôle en soutenant l’opposition et en influençant le résultat.

  • 2012 – Mali :

En 2012, il y a eu un coup d’État militaire au Mali qui a renversé le Président Amadou Toumani Touré. La France est ensuite intervenue au Mali en 2013 pour contrer les insurgés islamistes, ce qui s’est soldé par un désastre militaire et politique dévastateur.

  • 2021 Tchad :

En avril 2021, le Tchad a connu un coup d’État militaire suite au décès du Président Idriss Déby. La France a exprimé son soutien au gouvernement de transition dirigé par Mahamat Idriss Déby, le fils du défunt Président.

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