Publié par Jean-Patrick Grumberg le 8 septembre 2023

La Chine n’est plus en passe d’éclipser les États-Unis en tant que première économie mondiale, et il est de plus en plus évident, les chiffres ne trompant pas, les fondamentaux encore moins, qu’elle ne parviendra jamais à s’emparer de la première place, d’autant que la crise de confiance du pays s’enracine.

Bloomberg Economics, se faisant l’écho des économistes occidentaux, prévoit que dans le milieu des années 2040, le produit intérieur brut de la Chine dépassera celui des États-Unis : ce sera d’une “faible marge”, et d’une durée très courte, avant de “retomber dans l’oubli”. Avant la pandémie, Bloomberg s’attendait à ce que la Chine prenne et conserve la première place dès le début de la prochaine décennie, les indicateurs ont vite montré qu’elle n’en prenait pas le chemin.

“La Chine s’engage plus tôt que prévu sur la voie d’un ralentissement de sa croissance”, ont écrit les économistes de Bloomberg dans une note de recherche publiée mardi. “Le rebond post-Covid s’est essoufflé, reflétant l’aggravation de l’effondrement de l’immobilier et la perte de confiance dans la gestion de l’économie par Pékin. La faiblesse de la confiance risque de s’enraciner, ce qui aura pour effet de freiner durablement le potentiel de croissance”.

Les perspectives économiques à long terme de la Chine s’assombrissent

  • Les économistes prévoient désormais un ralentissement de la croissance de l’économie chinoise – la deuxième du monde – à 3,5 % en 2030 et à près de 1 % d’ici à 2050.
  • Ces chiffres sont inférieurs aux projections antérieures de 4,3 % et 1,6 %, respectivement.

L’économie chinoise a progressé de 3 % l’année dernière, soit l’un de ses taux de croissance les plus faibles depuis des décennies, après que la lutte contre les pandémies et la crise de l’immobilier ont frappé le pays.

  • La réouverture des usines a permis d’espérer un rebond de l’économie cette année, il n’était que de courte durée.
  • La reprise s’est essoufflée avec la chute des exportations et l’aggravation du marasme immobilier.
  • Un indicateur privé du secteur des services a montré que l’activité s’est ralentie le mois dernier, les gens hésitant à dépenser.
  • Les économistes interrogés par Bloomberg ont également revu à la baisse leurs prévisions de croissance pour 2024, les ramenant à moins de 5 %.

La révision des perspectives intervient alors que le monde reconsidère la manière de travailler avec une Chine qui pourrait être proche d’un pic de puissance, même si elle n’est pas en déclin.

Les États-Unis et les pays du Groupe des Sept sont de plus en plus attentifs aux problèmes structurels profondément enracinés en Chine. Ils y voient des opportunités qui, à terme, renforceront la position de l’Occident face à un concurrent géopolitique en perte de vitesse, tout en tenant compte des effets d’entraînement du ralentissement. Les problèmes de cette année ébranlent déjà les matières premières et les actions.

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Baisse de population, affaiblissement de la productivité

Le régime est également confronté à des défis plus profonds et à plus long terme. L’année dernière, la Chine a enregistré sa première baisse de population depuis les années 1960, qui malgré les interventions du Parti communiste, n’a pas été ralentie, ce qui suscite des inquiétudes quant à l’affaiblissement de la productivité du pays. La répression réglementaire a également entamé la confiance, tout comme les tensions géopolitiques avec les États-Unis et d’autres gouvernements occidentaux.

L’indice de fécondité du pays, c’est-à-dire le nombre moyen de bébés qu’une femme aura au cours de sa vie, est tombé à un niveau historiquement bas de 1,09 l’année dernière (il faut 2,10 enfants par femme pour maintenir la population), contre 1,30 deux ans auparavant, selon un rapport récent du journal d’État Jiemian.com, citant une étude réalisée par une unité de la Commission nationale de la Santé.

Au début de l’année, la Chine a publié des données montrant que sa population a commencé à diminuer l’année dernière pour la première fois en six décennies.

Pour la première fois depuis des décennies, la deuxième économie mondiale est elle-même le problème

Un grand constructeur de logements et une importante société d’investissement n’ont pas pu faire face à leurs engagements financiers et rembourser leurs prêts au cours des dernières semaines.

  • Country Garden, l’un des principaux promoteurs immobiliers de Chine, a suspendu lundi la négociation de 11 de ses obligations onshore, renforçant ainsi les spéculations sur le fait que l’entreprise pourrait se préparer à restructurer sa dette alors qu’elle lutte pour obtenir suffisamment de liquidités à temps pour éviter le défaut de paiement.
  • Au moins trois sociétés chinoises – Nacity Property Service, KBC Corporation et Xianheng International Science and Technology – ont déclaré ces dernières semaines, dans des déclarations boursières distinctes, que le géant de l’investissement Zhongrong Trust n’avait pas payé les intérêts et le capital de plusieurs produits d’investissement.

Tout ceci a ravivé les craintes que la détérioration continue du marché du logement n’entraîne des risques accrus pour la stabilité financière.

Et l’absence de mesures résolues pour stimuler la demande intérieure et les craintes de contagion ont déclenché une nouvelle série de révisions à la baisse de la croissance.

  • L’indice Hang Seng (HSI) de Hong Kong est entré fin août dans un marché baissier, ayant chuté de plus de 20 % par rapport à son récent sommet de janvier.
  • Le yuan chinois est tombé à son niveau le plus bas en 16 ans, ce qui a incité la banque centrale à défendre sa monnaie comme jamais auparavant en fixant un taux de change par rapport au dollar beaucoup plus élevé que la valeur estimée du marché.
  • Les prix à la consommation ont baissé,
  • La crise immobilière s’est aggravée et les exportations s’effondrent.
  • Plus symptomatique encore, le chômage des jeunes s’est tellement aggravé que le gouvernement a cessé de publier les données.

Le problème est que, après une rapide poussée d’activité au début de l’année à la suite de la levée des restrictions imposées par Covid, la croissance s’est très vite essoufflée.

Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ? Les malheurs de l’immobilier

L’économie chinoise est dans le marasme depuis le mois d’avril, l’élan du début de l’année s’est essoufflé. Mais les inquiétudes se sont intensifiées à la suite des défaillances de Country Garden, autrefois le plus grand promoteur immobilier du pays en termes de ventes de biens.

Le souvenir du géant de l’immobilier Evergrande, qui a déposé le bilan, et dont les défauts de paiement en 2021 ont marqué le début de la crise immobilière, est présent dans toutes les mémoires, et qu’Evergrande est toujours en train de chercher comment restructurer sa dette.

Problème, Pékin a mis en place une série de mesures de soutien pour relancer le marché de l’immobilier et elles ne fonctionnent pas. Mais même les acteurs les plus solides sont maintenant au bord du défaut de paiement, ce qui souligne les nouveaux défis auxquels Pékin doit faire face pour contenir la crise.

Dette des administrations locales

Une autre préoccupation majeure est la dette des collectivités locales, qui a grimpé en flèche, en grande partie à cause d’une chute brutale des revenus tirés de la vente de terrains en raison de l’effondrement de l’immobilier, ainsi que de l’impact persistant du coût de l’imposition des confinements pendant la pandémie.

Les graves tensions budgétaires observées au niveau local ne posent pas seulement des risques importants pour les banques chinoises, mais réduisent également la capacité du gouvernement à stimuler la croissance et à développer les services publics.

L’Amérique se réveille de sa gueule de bois

Usine HP en Malaisie

Les liens commerciaux entre la Chine et les États-Unis – et la dépendance des États-Unis à l’égard des produits chinois – soutiennent l’économie chinoise, mais cela pourrait bientôt changer.

Le débat à Washington sur le découplage avec Pékin a commencé bien avant la crise de la pandémie, mais la découverte, par les membres du Congrès, que la quasi-totalité des médicaments étaient fabriqués en Chine a provoqué un électrochoc.

Le défi chinois est un des rares sujets sur lesquels les Américains sont tous d’accord, qu’ils soient démocrates ou républicains, progressistes ou conservateurs. La décision de l’administration Biden de maintenir la plupart des droits de douane de l’ère Trump (du moins pour l’instant) montre que même les démocrates les plus déjantés sont conscients que des changements doivent être opérés.

Les États-Unis souhaitent toujours entretenir de bonnes relations commerciales avec la Chine, mais les appels à relocaliser aux Etats-Unis, et à délocaliser la production dans d’autres pays afin de réduire la dépendance à la Chine est maintenant une réalité.

  • Apple a progressivement transféré une partie de sa production de la Chine vers d’autres pays, tels que l’Inde et le Viêt Nam. En 2022, Apple a triplé sa production d’iPhone en Inde.
  • Nike a également délocalisé une partie de sa production de la Chine vers d’autres pays, tels que le Viêt Nam et l’Indonésie. En 2021, Nike a déclaré qu’elle transférerait environ 40 % de sa production de chaussures hors de Chine d’ici à 2025.
  • Adidas a également délocalisé une partie de sa production de la Chine vers d’autres pays, tels que le Viêt Nam et la Thaïlande.
  • Dell a transféré une partie de sa production d’ordinateurs portables de la Chine vers d’autres pays, tels que le Mexique et le Brésil.
  • HP a délocalisé une partie de sa production d’imprimantes de la Chine vers d’autres pays, tels que la Thaïlande et la Malaisie.
  • Pfizer a transféré une partie de sa production d’ingrédients pharmaceutiques actifs (IPA) de la Chine vers d’autres pays, tels que l’Inde et les États-Unis.
  • Novartis a également transféré une partie de sa production d’API de la Chine vers d’autres pays, tels que l’Inde et la Suisse.
  • Sanofi a transféré une partie de sa production de formes galéniques finies (FDF) de la Chine vers d’autres pays, tels que les États-Unis et l’Europe.
  • GSK a transféré une partie de sa production d’IPA et de FDF de la Chine vers d’autres pays, tels que l’Inde et les États-Unis.

Sans compter toutes les entreprises de taille moyenne, dont la liste serait trop longue à établir.

Le taux de croissance du PIB de la Chine n’est pas fiable

Nathaniel Taplin, du Wall Street Journal, a récemment publié un article sur les difficultés économiques de la Chine.

Tout d’abord, le taux de croissance du produit intérieur brut de la Chine a toujours été loin d’être fiable, principalement parce qu’il a toujours été fortement manipulé par le régime

Selon l’auteur, les trois piliers qui soutiennent la croissance économique chinoise – l’investissement immobilier, les dépenses de consommation et les exportations – sont tous “chancelants” et les perspectives restent incertaines.

Effet domino

Tao Wang, auteur du livre Making Sense of China’s Economy, ancienne économiste au Fonds monétaire international, et actuellement directrice générale et économiste en chef pour la Chine chez UBS à Hong Kong explique :

“A partir du début du deuxième trimestre, la reprise de l’immobilier s’est essoufflée. Les ventes et les mises en chantier ont encore chuté. Les gouvernements locaux, confrontés à des problèmes de financement, ont resserré leurs dépenses budgétaires, ce qui a également freiné la croissance. Dans ce contexte, le secteur industriel a commencé à déstocker, la reprise de la consommation s’est ralentie, et la croissance économique s’est effondrée.

…/…

Le manque de confiance des entreprises est probablement l’un des facteurs expliquant la faiblesse des investissements privés après l’affaire Covid, bien que la baisse des bénéfices et des commandes soit également à blâmer”.

L’économie américaine résiste aux erreurs de Joe Biden

Les États-Unis sont en meilleure posture que ce que prévoyaient de nombreux économistes il y a seulement quelques mois. Les mauvaises décisions de Biden ont entamé le marché du travail, mais il a résisté et est resté solide, les dépenses de consommation sont restées soutenues malgré une inflation incontrôlée, et le pays a évité une récession que toutes les décisions du président Biden montraient comme inéluctables en 2021, de nouveau en 2022, et encore cette année. Goldman Sachs par exemple, estime désormais à 15 % le risque que les États-Unis entrent en récession, contre 20 % auparavant.

Conclusion : c’est l’impasse

Le ratio global dette/PIB de la Chine est d’environ 300 % et continue d’augmenter, ce qui est plus élevé que la plupart des économies avancées.

Les économistes et analystes considèrent que la Chine est à l’abri d’une crise de la dette “typique” – crise financière, défauts de paiement importants, faillites bancaires, grave resserrement du crédit, forte dépréciation du taux de change car plus de 95 % de la dette chinoise est une dette intérieure.

Mais elle est devenue trop endettée pour pouvoir relancer son économie comme elle l’avait fait il y a 15 ans, lors de la crise financière mondiale de 2008.

Les faits montrent que la dette augmente constamment plus vite que la production sur une période prolongée et qu’une part croissante est allouée à des secteurs non productifs.

Le trompe-l’œil est que la dette du gouvernement central chinois est relativement faible, à peine supérieure à 20 % du PIB. Cependant, la dette des gouvernements locaux est estimée à plus de 70 % du PIB. Et de gouvernements locaux ne disposent pas d’une trésorerie suffisante pour payer les intérêts de leur dette.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.

Sources :

  • https://www.bloomberg.com/news/articles/2023-09-05/china-slowdown-means-it-may-never-overtake-us-economy-be-says
  • https://www.bloomberg.com/news/articles/2023-07-11/why-china-s-economy-is-slowing-and-why-it-matters
  • https://money.cnn.com/data/world_markets/hang_seng/?source=story_quote_link
  • https://www.cnn.com/2023/08/21/economy/china-economy-troubles-intl-hnk/index.html
  • https://www.cnn.com/2023/08/14/economy/china-country-garden-onshore-bonds-suspension-intl-hnk/index.html
  • https://www.cnn.com/2023/08/18/economy/china-zhongrong-trust-protest-intl-hnk/index.html
  • https://www.cnn.com/2023/08/17/business/evergrande-files-for-bankruptcy/index.html
  • https://www.npr.org/2023/08/16/1193711035/china-economy-tao-wang-interview
  • https://12ft.io/proxy?q=https://www.theepochtimes.com/opinion/why-chinas-economy-continues-to-survive-4073525

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