Publié par Eduardo Mackenzie le 19 octobre 2023

Il y a quelques jours, une chaîne de télévision colombienne a organisé une table ronde sur les événements tragiques du 7 octobre en Israël. Puisque lors de cet échange une série d’erreurs ont été lancées sans aucune contradiction, il vaut la peine de proposer ici quelques observations critiques.

La première et la plus grave erreur pourrait être définie, à mon avis, comme la théorie du « corps étranger » proposée par l’un des invités au panel. L’erreur consistait à dire que le « territoire palestinien » avait été « envahi » par les Juifs sur ordre de l’ONU. Cette personne a déclaré : « Ils [les Juifs] se sont vu attribuer un pays [sic] à cause de tout ce qui leur était arrivé pendant la Seconde Guerre mondiale et à cause de la capacité de lobbying de la communauté juive, qui est l’une des plus puissantes au monde. »

Avant d’aborder ce sujet, une observation sur deux expressions qui sont apparues dans cette conversation :

Faire appel à la formule « lobby juif » est une faute. Ce terme rappelle l’insulte antisémite des complotistes qui insinuent que les Juifs tirent les ficelles de la politique mondiale en étant tout-puissants et intrigants et que, par conséquent, ils déstabilisent la démocratie.

L’autre formule problématique est : « Tout ce qui leur est arrivé ». Je m’explique : ce qui s’est « passé » n’est rien de moins que la Shoah, c’est-à-dire le génocide commis par l’Allemagne hitlérienne pendant la Seconde Guerre mondiale : six millions de Juifs exterminés dans les camps de la mort et les ghettos, c’est-à-dire un peu plus de la moitié des Juifs d’Europe. Je ne comprends pas comment un fait aussi monstrueux et unique dans l’histoire de l’humanité prétend faire l’objet d’une phrase ambiguë et réductrice comme « tout ce qui leur était arrivé ». Si l’idée du panel était de proposer une « explication simple » sur l’origine de l’État d’Israël, il vaudrait mieux abandonner cette méthode et essayer d’être plus rigoureux dans l’utilisation du langage.

Devenez “lecteur premium”, pour avoir accès à une navigation sans publicité, et nous soutenir financièrement pour continuer de défendre vos idées !

En tant que lecteur premium, vous pouvez également participer à la discussion et publier des commentaires.

Montant libre







Passons maintenant au fond de la discussion :

1.- « Dès le début, la solution [de l’ONU] était très imparfaite », a déclaré l’un des invités. Il est vrai que la partition de la Palestine était un plan imparfait. Il a ajouté pourtant : « Les Nations Unies ont imposé un État juif sur un tissu arabo-musulman » et il a estimé que les Palestiniens se sont demandé : « Pourquoi nous ont-ils mis un corps étranger ici ? ».

La théorie du « corps étranger » est carrément fausse. Il n’y a jamais eu de tissu exclusivement arabo-musulman en Palestine. Les Juifs n’ont jamais été un « corps étranger » en Palestine. Faut-il rappeler qu’Abraham a quitté la Mésopotamie et a conduit et installé sa tribu à Canaan, entre le Jourdain et la côte méditerranéenne, en 1760 avant l’ère chrétienne ? Ce que disent les textes de l’Ancien Testament est-il un mythe ou une invention moderne ? La Bible, bien sûr, ne rassemble pas les études des historiens en soi, mais elle condense la mémoire des origines du peuple d’Israël.

Malgré de fréquentes discussions scientifiques, les historiens, les philologues, les linguistes, les archéologues et autres travailleurs de l’exégèse biblique sont unanimes : le premier ancien État juif a été détruit sur ce territoire en l’an 135 de l’ère chrétienne par la dure répression romaine contre le soulèvement de Bar Kokhba. Mais cela n’a pas effacé le centre géographique du judaïsme. Les historiens admettent qu’avant, pendant et après ces siècles, le peuple d’Israël a connu des conditions normales d’existence nationale ainsi que des victoires, des défaites, des dévastations et des restaurations en Palestine.

Depuis la conquête de Canaan par les Hébreux de Josué, où ils bâtirent une démocratie tribale qui durera deux siècles, jusqu’à la destruction du Temple de Jérusalem, le peuple d’Israël existait sur ce territoire et en Égypte – au Sinaï il a reçu  sa loi, la Torah –, avant de conquérir et de coloniser Canaan, et il y avait dans cette région, malgré tous les conflits, un peuple d’Israël comme les autres, avec un territoire, un système juridique, une langue et une religion qui lui étaient propres. Depuis, malgré la catastrophe de 721 av. J.-C., causée par les Assyriens, et celle de 586 av. J.-C., par les Babyloniens, les Hébreux, devenus Juifs, ont survécu et ont renouvelé leurs États et leurs sociétés.

Même si le peuple d’Israël a vécu entre des périodes de stabilité et de fixation en Égypte et même s’il a subi une grande oppression et l’esclavage et vécu, plus tard, au sein de l’Empire ottoman, il a survécu. Les Juifs ont préservé leur identité et ont constitué une partie importante de ce que l’on appelle aujourd’hui la Palestine.

Par conséquent, la décision de l’ONU de créer deux États dans cette région du Moyen-Orient, l’un juif et l’autre palestinien, n’était pas l’imposition arbitraire d’un «corps étranger » dans cette région. La naissance de l’État d’Israël s’est produite dans une partie de l’ancien territoire national des Juifs. Ce fait capital n’a pas été mentionné dans l’émission.

À l’ère moderne, la promesse de créer un « foyer national pour le peuple juif » a été faite dans la Déclaration Balfour de 1917 et a constitué une grande victoire pour le mouvement sioniste naissant. Dans les années 1930, la croissance rapide de la population juive de Palestine et la montée du nationalisme arabo-palestinien – redoublé plus tard par la montée du nazisme en Allemagne – ont conduit à une augmentation de la violence arabo-juive en Palestine.

2.- L’invité a également affirmé durant ce panel : « Et nous avons également vu que les Juifs ont rétréci un peu les lignes initiales [frontières] que l’ONU avait fixé aux Palestiniens pour atteindre Jérusalem. » Ceci est inexact. Dans un article récent, la BBC a abordé correctement la question des terres et des frontières : « La terre qui allait devenir Israël a fait partie, pendant des siècles, de l’Empire ottoman gouverné par la Turquie. Après la Première Guerre mondiale et l’effondrement de cet empire, le territoire connu sous le nom de Palestine –dont la partie à l’ouest du Jourdain était également connue par les Juifs sous le nom de Terre d’Israël –, fut délimité et attribué à la Grande-Bretagne pour être administré par les puissances alliées victorieuses (ce plan obtint plus tard le soutien de la Société des Nations). Les termes du mandat confiaient à la Grande-Bretagne la création en Palestine d’un « foyer national pour le peuple juif », à condition que « cela ne porte pas atteinte aux droits civils et religieux des communautés non juives de la région ».

Et l’article détaille : « La Grande-Bretagne a confié le problème [la solution à la rivalité entre Palestiniens et Juifs en Palestine] aux Nations Unies, l’organisme qui a proposé en 1947 de diviser la Palestine en deux États, l’un juif et l’autre arabe, avec la région de Jérusalem-Bethléem vouée à devenir une ville internationale. Le plan a été accepté par les dirigeants juifs de Palestine, mais rejeté par les dirigeants arabes. »

En effet, le 14 mai 1948, trois ans après la fin du génocide organisé par Hitler, l’État d’Israël était né. La BBC a noté : « Le lendemain, Israël a été envahi par cinq armées arabes, marquant le début de la guerre d’indépendance d’Israël. Les combats ont pris fin en 1949 avec une série de cessez-le-feu qui ont créé des lignes d’armistice le long des frontières d’Israël avec les États voisins et ont créé les frontières de ce qui est devenu la bande de Gaza (anciennement occupée par l’Égypte) et de Jérusalem-Est et de la Cisjordanie (occupée par la Jordanie). »

Donc, les modifications des lignes frontalières dans la région résultent de la guerre et des combats militaires et, surtout, des accords de paix qui ont suivi et non de vols sournois de terres pour s’emparer de Jérusalem, ni pour « rétrécir les frontières du secteur palestinien » tracées par les Nations Unies et « réduire la bande de Gaza », comme cela a été dit pendant la discussion.  La bande de Gaza compte 365 km² et 2,2 millions d’habitants (390 000 en 1967) et n’a jamais été « réduite ». Autre erreur dans la discussion : « Cette bande appartenait à l’Égypte ». L’Egypte occupait la bande de Gaza, celle-ci ne faisait pas partie de son territoire historique.

D’autres changements frontaliers encore plus importants ont suivi. La BBC a souligné : « Le plus grand changement dans les frontières d’Israël s’est produit en 1967, lorsque le conflit connu sous le nom de Guerre des Six Jours a permis à Israël d’occuper la péninsule du Sinaï, la bande de Gaza, la Cisjordanie, Jérusalem-Est et la plus grande partie du plateau du Golan syrien, triplant effectivement la taille du territoire sous contrôle israélien. Israël a effectivement annexé Jérusalem-Est – revendiquant la ville entière comme capitale – ainsi que le plateau du Golan. »

Cette autre déclaration au cours du panel était insolite : « À certaines occasions, Israël a également déclenché la guerre parce qu’il dit qu’il doit prendre des mesures préventives parce qu’il suppose que [les Arabes] vont les attaquer. Ceci est le problème avec les voisins ». Cette phrase, lancée cinq jours seulement après l’infâme pogrom du Hamas contre Israël le 7 octobre – le plus grand massacre de civils israéliens depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale – sonne comme une accusation monstrueuse selon laquelle Israël aurait provoqué cette attaque pour lancer une guerre préventive. Cette notion de « guerre préventive » serait plutôt, à mon avis, dans ce cas, une opinion politique et non un fait. Cette phrase rappelle, en tout cas, ce que fabrique la propagande de l’Iran et du Hamas, et d’autres organisations islamistes, pour cacher leur responsabilité dans le massacre du 7 octobre et la transférer sur Israël.

L’offensive actuelle d’Israël contre le Hamas est une réponse défensive à une attaque brutale et massive du Hamas, en particulier contre des civils israéliens innocents de tous âges et de toutes conditions. Il ne s’agit pas d’une action ou d’une « guerre préventive » israélienne contre la population de Gaza ou contre les Palestiniens. Mahmoud Abbas lui-même, président de l’Autorité nationale palestinienne (ANP), considère que « le Hamas n’est pas le gouvernement palestinien ».

Le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu estime que l’existence même d’Israël sera en danger si Israël ne parvient pas à détruire le Hamas, face à un Iran toujours plus fanatique et déterminé, avec ses alliés régionaux, à rayer de la carte l’État d’Israël. C’est pour cette raison que la réponse du gouvernement d’unité nationale de Netanyahu – auquel se sont joints des secteurs du centre-gauche – concernant la destruction totale du Hamas, est soutenue par les majorités en Israël et en Occident. Je déplore que ces réalités, ainsi que certains autres sujets que je n’aborde pas ici, n’aient pas été évoqués ou débattus dans la conversation télévisée susmentionnée.

Il est dommage que les participants au panel n’aient pas dit un mot sur le droit d’Israël à se défendre contre le terrorisme islamiste et antisémite, ni remis en question l’attitude inqualifiable du président colombien Gustavo Petro face au massacre du 7 octobre. Il est inquiétant qu’ils n’aient pas rejeté les affronts négationnistes pro-Hamas de Gustavo Petro contre Israël et le peuple juif et qu’ils aient omis de dire qu’Israël a volontairement quitté Gaza en 2005. En revanche, je dois saluer le fait que le panel ait déclaré que la population de Gaza « est kidnappée par le Hamas ».

© Eduardo Mackenzie (@eduardomackenz1) pour Dreuz.info. Toute reproduction interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur.

Abonnez-vous sans tarder à notre chaîne Telegram, pour le cas où Dreuz soit censuré, ou son accès coupé. Cliquez ici : Dreuz.Info.Telegram.

Inscrivez-vous gratuitement pour recevoir chaque jour notre newsletter dans votre boîte de réception

Si vous êtes chez Orange, Wanadoo, Free etc, ils bloquent notre newsletter. Prenez un compte chez Protonmail, qui protège votre anonymat

Dreuz ne spam pas ! Votre adresse email n'est ni vendue, louée ou confiée à quiconque. L'inscription est gratuite et ouverte à tous