
Non, ni le président Gustavo Petro ni son ministre de l’Intérieur, Fernando Velasco, n’ont rejeté le lâche assaut de la soi-disant « minga indigène » contre la revue Semana.
Les deux fonctionnaires ont été délibérément laconiques, avares de mots, mesquins. Tous deux ont refusé de condamner cet acte ignoble, voire de formuler l’expression « violence contre le magazine Semana ». Pas plus qu’ils n’ont parlé en termes audibles des agresseurs, des assaillants, des indigènes masqués invités à venir depuis le département du Cauca à la capitale par le président Petro lui-même pour semer le désordre et achever de manière barbare la soi-disant « prise de Bogota », une manifestation que Petro et son cirque politique ont lancé pour faire croire aux gens que, quatorze mois après le début du gouvernement despotique, il lui reste un peu de soutien populaire.
Acculé par les voix de répudiation qui se sont immédiatement élevées dans tout le pays contre la violente attaque contre Semana et pour la défense de la liberté de la presse, Gustavo Petro ne voit pas d’autre issue que de cacher le problème et de tourner autour du pot. Il a déclaré : « Je rejette la violence contre tout moyen de communication ». Mais ceci n’est pas le rejet d’un acte spécifique, commis par des vandales spécifiques à Bogotá, dans le cadre d’une mobilisation spécifique convoquée par Petro lui-même ! C’est une phrase triviale lancée en l’air, une opinion, un salut au drapeau, comme disent les Argentins, une pitrerie pour rompre la continuité qui existe entre la « prise de Bogotá » et l’assaut brutal contre le siège d’un organe de presse.
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Le ministre de l’Intérieur n’a pas désavoué l’acte des violents qui, avec leurs matraques, ont blessé au cou un gardien de l’immeuble, détruit les portes et les fenêtres de Semana, mis en danger la vie de quelque femmes enceintes qui se trouvaient dans l’édifice, avant de s’enfuir comme des rats lorsque la police est arrivée. Velasco a imité Petro et a lancé une phrase qu’il pourrait utiliser dans mille autres circonstances : « Je rejette toute expression de violence, surtout si elle est dirigée contre la presse ».
Ne soyons pas dupes. Petro tente d’échapper à la responsabilité qu’il porte personnellement dans ce qui s’est passé hier à Bogota. Personne ne devrait tomber dans la folie de croire que ce qui s’est passé hier est un incident sans importance. Et que le dernier mot est la fausse « déclaration » du président et non les événements surprenants d’hier.
Ce qui s’est passé hier ouvre en effet une période d’agression d’un gouvernement despotique contre la presse libre colombienne. Petro ne supporte pas d’être contredit. Il donnerait tout pour que les médias soient aveuglés et perdent leur éthique afin de le protéger, au lieu de démontrer son incompétence. Il ne veut pas que la presse et les réseaux exposent le véritable caractère destructeur de son régime.
Pour mettre fin à la liberté de la presse, Petro recourt à la méthode de la violence sournoise, par l’intermédiaire de tiers. C’est une méthode connue, mesquine, vicieuse, perfide. C’est, par exemple, la méthode du dictateur Poutine, tant admiré par Petro, qui envoie des soldats sans insignes s’emparer de la Crimée, et qui met en place des structures paramilitaires fascistes, comme le groupe Wagner, pour envahir l’Ukraine aux côtés des forces régulières russes.
Hier, à Bogotá, à 13h42, les émissaires sponsorisés par Petro ont hurlé, frappé les gardes et tenté, sans succès, de s’emparer de la rédaction et de Vicky Dávila, la directrice de Semana. Quelques minutes auparavant, trois camions chargés d’assaillants, certains cagoulés, armés de matraques, étaient arrivés sur les lieux. Un journaliste a écrit : « Ils sont arrivés avec leurs harangues dans leur langue, dans une attitude agressive et violente ». Il a oublié de dire que les pires d’entre eux s’exprimaient en espagnol. L’un d’eux, habillé en indigène Nasa, a improvisé une scène et lancé des menaces terrifiantes contre tous les journalistes et tous les médias écrits et audiovisuels de Colombie. Selon cet énergumène, la presse colombienne est « l’information du paramilitarisme et du trafic de drogue ». Et qu’en plus elle est « tendancieuse, perverse, mensongère et meurtrière » et, par conséquent, c’est une «contribution au conflit armé en Colombie» car « ils tirent sur la paysannerie avec la gueule des journalistes ».
Avec un autre agitateur, il a hurlé que les médias, notamment El Tiempo, El País, Semana, les chaînes de radio d’Ardila Lule et de Santo Domingo, « les patrons économiques de la Colombie » selon eux, et l’émission radio La Hora de la Verdad de Fernando Londoño Hoyos, ont trompé le peuple « depuis plus de 200 ans ». Déchaîné, il a déclaré que « aujourd’hui, tout ce que fait Gustavo Petro est mauvais pour les médias » qui « ne reconnaissent pas le gouvernement alternatif et de paix [de Petro] issu de ‘l’explosion sociale’ » (1).
Quelques minutes après l’assaut, Diego Bonilla, journaliste de Semana, concluait : «Ceci est une conséquence de la violence politique que le président Petro génère en Colombie, de ses déclarations contre tous les médias. » Et il a alerté, non sans raison : « Ce qui se passe aujourd’hui à Semana est extrêmement grave et cela pourrait arriver à n’importe quel autre média et à n’importe quelle entreprise privée. »
Le matin même des événements, un secteur du même groupe d’agresseurs, comme l’a admis un porte-parole, avait rencontré le vice-ministre de la Justice. Avaient-ils reçu des instructions pour cette journée-là dans ce bureau ? Cela reste à déterminer car il reste encore beaucoup de recherches à faire sur le sujet, de la part de la presse et des autorités. Le Bureau du Procureur général a, en tout cas, promis qu’il enquêterait de manière approfondie sur tout ce qui concerne l’attaque à Semana.
Les « fausses informations de Semana » dénoncées par les agresseurs sont, en réalité, les vérités et les scandales qui apparaissent chaque jour, dans presque tous les ministères et au Palais de Nariño, offerts – et c’est le grand paradoxe – par des fuites de ces ministères et par la famille présidentielle elle-même. Petro souhaite que cette odeur fétide de corruption soit cachée au pays par les médias.
Désormais, plus rien ne sera plus pareil après le coup que Petro a voulu porter à Semana hier, le 29 septembre, et dans la foulée à tous les médias de Colombie.
Ce qui s’est passé hier doit être considéré comme un avertissement sévère : la guerre contre la presse indépendante, contre les journalistes et les médias en général, a commencé et va sûrement dégénérer vers plus de brutalité et de cynisme. Et elle aura des effets psychologiques et physiques sur Semana et dans les autres médias ainsi que sur les réseaux sociaux en Colombie au cours des prochaines années. Les dommages causés par Petro à la liberté d’expression, d’information et de presse en Colombie sont incommensurables.
Pour détruire les projets liberticides de Gustavo Petro et de ses affiliés, tous les hommes et femmes libres de Colombie et tous les médias et réseaux sociaux n’ont d’autre choix que de serrer les rangs, unifier les lignes d’action prioritaires, expliquer au monde la crise que vit la Colombie et demander la solidarité militante des rédacteurs et des médias du monde entier.
Le président Gustavo Petro est le principal responsable de cette attaque importante contre un organe de presse important et courageux. Il a choisi de suivre les traces de tyrans comme Castro, Chavez, Maduro, Ortega, Morales et Correa, pour ne citer que ceux d’Amérique latine, qui considèrent la liberté de la presse comme leur adversaire le plus redoutable.
(1).- Il s’agit d’une vague de mutineries organisées en mai 2021 par des groupes et des syndicats d’extrême gauche avec le soutien des guérillas communistes Eln et Farc dans une tentative pour déstabiliser le gouvernement du président Ivan Duque. Bilan : une vingtaine de morts, 579 policiers blessés, 515 émeutiers arrêtés.
© Eduardo Mackenzie (@eduardomackenz1) pour Dreuz.info. Toute reproduction interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur.
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