Publié par Gaia - Dreuz le 28 mars 2023

Source : Audiatur Online

Une part croissante de la société française ne pense pas que les problèmes des Juifs sont aussi les leurs, selon un récent sondage.

Il y a cinq ans, Mireille Knoll, une survivante de l’Holocauste âgée de 85 ans, a été sauvagement assassinée dans son appartement parisien par deux cambrioleurs, dont l’un était un voisin qu’elle connaissait depuis son enfance.

Le meurtre de Knoll était la deuxième fois en moins d’un an qu’une femme juive française âgée et vivant seule était assassinée pour la seule raison qu’elle était juive. En avril 2017, Sarah Halimi, une veuve de 65 ans, a été assassinée après qu’un intrus – dans le cas de Knoll, un voisin de l’immeuble public où elle vivait – se soit introduit dans son appartement, l’ait brutalement frappée puis jetée par une fenêtre du troisième étage, en hurlant des slogans islamistes et antisémites tout au long de son calvaire.

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La tentative de juger le meurtrier d’Halimi, Kobili Traoré, s’est transformée en une farce insultante après que la plus haute cour d’appel de France l’a exclu d’un procès en avril 2021 au motif que que sa consommation de cannabis la nuit du meurtre l’avait rendu temporairement irresponsable et qu’il n’était donc pas responsable de ses actes – une décision qui a conduit le Crif, l’organisme habituellement réservé qui représente les juifs français, à déclarer que “nous pouvons désormais torturer et tuer des juifs en toute impunité dans notre pays”. Mais plus tard dans l’année, en novembre, le procès des deux assassins de Knoll – leur voisin Yacine Mihoub et son complice Alex Carrimbacus – a abouti à une véritable conclusion. Mihoub a été condamné à la prison à vie, Carrimbacus à 15 ans, et Zoulikha Kellaf, la mère de Mihoub, à trois ans pour avoir nettoyé le couteau qui a servi à poignarder Knoll à onze reprises avant que son corps ne soit incendié.

Il serait réconfortant de rapporter que ces deux atrocités et le déni cruel de justice fondamentale pour la famille Halimi ont entraîné en France une vague de sympathie pour la communauté juive du pays et une détermination à éradiquer l’antisémitisme violent. Au lieu de cela, tout est resté comme avant : Les politiciens du centre ont exprimé leur indignation, les crimes haineux et la violence antisémite se poursuivent à un rythme similaire, et l’extrême droite, l’extrême gauche et les groupes islamistes qui se sont implantés dans les différentes communautés musulmanes de France sont ravis de diffuser des messages antisémites. Depuis la mort de Knoll, au moins deux autres juifs ont été tués dans des circonstances suspectes – Jérémy Cohen, 31 ans, écrasé par un tramway alors qu’il fuyait une bande qui l’avait attaqué à Bobigny, en banlieue parisienne, après avoir apparemment découvert sa kippa, et René Hadjaj, 89 ans, poussé du 17e étage de son immeuble à Lyon, là encore par un voisin qu’il connaissait bien, selon les rapports. Pourtant, les autorités n’ont guère fait d’efforts pour identifier les auteurs de ces actes et les traduire en justice. En outre, au cours de la même période, les phrases antisémites ont eu le vent en poupe, alimentées par les protestations sociales en France, déclenchées par le mouvement des gilets jaunes (“gilets jaunes”), ainsi que par les théories du complot sur les origines et la responsabilité de la pandémie du COVID-19.

La semaine dernière, un sondage réalisé par l’institut de sondage Ipsos pour le compte du Crif a donné des résultats encore plus décevants. Le constat inquiétant est que les jeunes sont plus sensibles à l’idéologie antisémite que leurs aînés. Pas moins de 42 % des personnes interrogées âgées de moins de 35 ans ont six préjugés antisémites ou plus, tandis que 16 % de la même tranche d’âge pensent que l’exode massif des juifs français serait “une bonne chose pour la France”.

Ces tendances en France sont également observées ailleurs en Europe. Ainsi, un sondage réalisé en janvier aux Pays-Bas a révélé que 23 % des millennials et de la génération Z interrogés pensent soit que l’Holocauste est une invention, soit que le nombre de Juifs assassinés par les nazis a été largement exagéré. Tout cela indique – comme l’a souligné Yonathan Arfi, le directeur du Crif, dans une interview au magazine français Le Point – que le “système a échoué”.

“Nous avons longtemps été convaincus que l’antisémitisme allait progressivement s’éteindre, mais nous constatons aujourd’hui que le temps joue contre nous”, a-t-il déclaré. “L’une des explications est que l’antisémitisme a muté et qu’il prend de nouvelles formes pour lesquelles nos mesures traditionnelles ne suffisent clairement plus”.

Ce qui est crucial, c’est qu’Arfi a reconnu la douloureuse vérité selon laquelle l’enseignement de l’Holocauste aux jeunes générations ne les protège pas contre l’antisémitisme. “Nous avons longtemps pensé que nous pouvions combattre l’antisémitisme en enseignant le souvenir de l’Holocauste”, a-t-il fait remarquer. “Je pense que cela reste bien sûr un élément fondamental, mais que cela ne suffit plus. Il existe aujourd’hui des discours hostiles aux juifs qui sont justement alimentés par ce travail de mémoire. Certains n’hésitent plus, par exemple, à dire que nous parlons trop de la Shoah”.

Selon Arfi, une partie du problème réside dans le fait que le programme scolaire français met l’accent sur le rôle des juifs en tant que victimes – de l’affaire Dreyfus dans les années 1890 à la Shoah un demi-siècle plus tard. Il souhaite que l’accent soit davantage mis sur les contributions positives des Juifs à la société et à la culture françaises, car “considérer l’expérience juive en France de manière positive est aussi un moyen de lutter contre l’antisémitisme”.

Le système qui a échoué est le même système qui est toujours responsable de l’éducation.

Certes, un tableau plus complet de l’histoire juive de la France serait le bienvenu, d’autant que le sondage Ipsos a mis en évidence la déplorable méconnaissance du judaïsme dans l’ensemble du pays : moins de 30% des personnes interrogées avaient quelques connaissances de base sur la vie juive en termes de règles alimentaires, de respect du sabbat, etc. Mais il y a un problème plus profond : le système qui a échoué est le même que celui qui est encore responsable de l’éducation. Si les jeunes sont convaincus que l’histoire qu’on leur enseigne est essentiellement une invention, et si cette opinion est renforcée dans leurs cercles sociaux et dans les médias sociaux, les hommes politiques, l’État ou leurs enseignants ne peuvent faire que très peu de choses. D’où le spectacle permanent d’hommes politiques, de la gauche modérée au centre droit, qui déplorent la montée de l’antisémitisme mais sont incapables de le combattre utilement – en France, en Allemagne et partout en Europe.

Dans une interview accordée en novembre dernier au Jewish Chronicle basé à Londres, Keren Knoll, la petite-fille de Mireille Knoll, a constaté que les Juifs étaient plus nombreux que jamais à vouloir quitter la France. Elle a ensuite fait valoir que “l’antisémitisme n’est pas seulement un problème juif, mais le problème de tous. Les fanatiques extrêmes sont le problème de tout le monde, et tant que nous ne l’aborderons pas de cette manière, le problème ne sera pas résolu”.

Le sondage Ipsos montre cependant qu’une partie croissante de la société française n’est pas d’accord avec l’idée que les problèmes des juifs sont aussi les leurs. Il n’y a vraiment pas de réponses simples ici, ce qui explique en partie pourquoi les activistes juifs, notamment en Israël et en Amérique, demandent sans cesse aux juifs de quitter la France, tout en s’étonnant avec irritation que l’un d’entre eux veuille rester.

Je pense que nous ne devrions pas adopter le point de vue antisémite selon lequel il n’y a pas de place pour les Juifs en France, même si nos motivations pour cette affirmation sont fondées sur des sentiments de solidarité. Les Juifs français qui souhaitent émigrer en Israël méritent d’être encouragés et soutenus matériellement, mais ceux qui veulent rester ont, en tant que citoyens français, un droit humain fondamental à le faire. Cette prise de conscience doit être à la base de toute nouvelle initiative visant à combattre cette haine tenace.

Ben Cohen est un journaliste et auteur basé à New York. Publié pour la première fois en anglais par Jewish News Syndicate. Traduction Audiatur-Online.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Traduction de Gaïa pour Dreuz.info.

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