Publié par Daniel Pipes le 25 avril 2021
Couverture de la Charte du Mouvement islamique en Israël.

Voici une nouvelle idée en vue de résoudre l’impasse politique de plus en plus pénible dans laquelle se trouve Israël.

Le nœud du problème réside dans le fait que l’un des partenaires potentiels de la coalition de Benjamin Netanyahou, le Parti sioniste religieux (PSR) dirigé par Bezalel Smotrich refuse de soutenir cette coalition si Netanyahou venait à s’appuyer d’une manière ou d’une autre sur le parti islamiste Ra’am en vue de former une majorité de 61 députés à la Knesset, le parlement israélien. Pourtant, sans le PSR et Ra’am dans sa coalition, Netanyahou ne peut pas atteindre 61 sièges. D’où l’impasse.

Jusqu’à présent, le rejet de Ra’am par Smotrich a été total et sans condition, basé sur le fait que Ra’am rejette l’existence même de l’Etat juif d’Israël. D’après les termes de sa charte de 2018, le parti Ra’am qualifie le sionisme de « projet d’occupation raciste », rejette l’allégeance à l’État juif et exige un droit au retour pour les réfugiés palestiniens. Smotrich craint assez raisonnablement qu’une légitimation, quelle qu’elle soit, du parti Ra’am n’entraîne une foule de conséquences désastreuses pour Israël, un point de vue qu’il maintient résolument.

Soit. Toutefois, il serait plus productif pour Smotrich et le PSR de définir les conditions dans lesquelles un soutien de Ra’am serait acceptable. Que devrait-il modifier dans sa charte? Comment le dirigeant de Ra’am, Mansour Abbas, devrait-il parler à ses électeurs en arabe au sujet d’Israël ? En supposant implicitement qu’un tel changement soit hors de question, le PSR n’en a jusqu’à présent même pas évoqué l’idée – ce qui est compréhensible car selon toute vraisemblance aucun islamiste dans le monde, et encore moins parmi les Palestiniens, ne reconnaît Israël.

Or il existe en réalité un fondement pour une telle reconnaissance. Non pas dans le tumulte de la politique actuelle mais dans le texte fondateur de la foi islamique, le Coran du septième siècle. Croyez-le ou non, le Coran s’avère être un document proto-sioniste. Plusieurs de ses versets approuvent en effet la présence juive dans ce qu’il appelle la Terre Sainte (al-ard al-muqaddasa), le territoire qui constitue à peu de chose près l’État moderne d’Israël.

Verset du Coran (5:20) écrit vers 1180 après J.-C. en écriture coufique. Extrait d’un manuscrit conservé au Metropolitan Museum of Art.

Par exemple, le Coran 5: 20-21 cite Moïse disant aux Juifs : « Ô mon peuple ! Entrez dans la Terre Sainte que Dieu [Allah] vous a destinée. » De même, le Coran 7: 137 déclare : « Et les gens qui étaient opprimés, Nous les avons fait hériter les contrées orientales et occidentales [du Jourdain] de la terre que Nous avons bénies. Et la très belle promesse de ton Seigneur sur les enfants d’Israël s’est accomplie. » Ce thème est confirmé par d’autres versets coraniques (2:40, 7: 159-60, 17: 100-04) ainsi que par le Hadith et les principaux savants coraniques de l’ère prémoderne.

Par exemple, le Coran 5: 20-21 cite Moïse disant aux Juifs : « Ô mon peuple! Entrez dans la Terre Sainte que Dieu [Allah] vous a destinée. » De même, le Coran 7: 137 déclare : « Et les gens qui étaient opprimés, Nous les avons fait hériter les contrées orientales et occidentales [du Jourdain], de la terre que Nous avons bénies. Et la très belle promesse de ton Seigneur sur les enfants d’Israël s’est accomplie. » Ce thème est confirmé par d’autres versets coraniques (2:40, 7: 159-60, 17: 100-04) ainsi que par le Hadith et les principaux savants coraniques de l’ère prémoderne.

(On notera par ailleurs que le Coran se réfère aux Juifs en les appelant les « Fils d’Israël »)

Des recherches approfondies sur cette question ont été menées par des spécialistes tels que Nissim Dana de l’Université d’Ariel, auteur en 2013 d’un livre écrit en hébreu et intitulé À qui appartient cette terre? Réexamen du Coran et des sources islamiques classiques sur le peuple d’Israël, ses enseignements et son lien avec Jérusalem. Du côté islamique, Muhammad Al-Hussaini, anciennement du Leo Baeck College, Khaleel Mohammed de l’Université d’État de San Diego, et Mohammad Tawhidi de l’Association islamique d’Australie-Méridionale ont montré la voie en parlant dans ce sens. Selon les mots de Khaleel Mohammed, « le fait que la terre appartenait d’abord aux Juifs est inscrit dans la conscience musulmane ». Un autre penseur musulman, Abdul Hadi Palazzi, va droit au but quand il déclare : « Allah est un sioniste ».

Le PSR pourrait envisager de proposer à Ra’am d’accepter de soutenir sa participation à un gouvernement de coalition si Ra’am s’aligne sur ces principes fondamentaux de la foi islamique. Pour éviter toute ambiguïté, le PSR devrait établir de façon détaillée, rigoureuse et précise, la liste de ses conditions.

Je ne me fait pas d’illusion sur le fait que Ra’am puisse sauter sur cette offre mais cela vaut vraiment la peine d’essayer et ce, pour deux raisons. Premièrement, Mansour Abbas a fait preuve d’un pragmatisme et d’une flexibilité sans précédent en laissant entrevoir la possibilité pour Ra’am d’accepter les conditions posées par le PSR, ce qui conduirait à la formation d’un gouvernement et à une augmentation incommensurable et historique de la stature de Ra’am. Deuxièmement, même si Ra’am ne saisit pas cette opportunité, un tel défi lancé publiquement par Smotrich à Abbas introduirait finalement la vision proto-sioniste largement inconnue du Coran dans une grande discussion générale en Israël et constituerait par ailleurs une avancée pour les juifs et les musulmans.

Bezalel Smotrich (à gauche) et Mansour Abbas.

Il y a peu, j’ai soutenu que Benjamin Netanyahou devrait être le prochain président d’Israël et non son prochain Premier ministre. Toutefois, cette question de politique générale cède le pas devant les implications positives de la reconnaissance de l’État juif par les musulmans israéliens.

Bref, cette démarche novatrice ne peut qu’être positive pour le projet de victoire d’Israël.

M. Pipes (DanielPipes.org@DanielPipes) est président du Middle East Forum. © 2021 par Daniel Pipes. Tous droits réservés.

Addendum, 22 avril 2021. Sans surprise, de nombreux musulmans rejettent le caractère proto-sioniste du Coran. Voici une analyse illustrative de ce rejet : Muna Zaytun, « Dieu a-t-il promis la terre de Palestine aux enfants d’Israël ? » (” هل وعد الله بني إسرائيل بأرض فلسطين؟ “) dans Al-Arabi al-Jadid, 7 décembre 2017.

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